
Dans le genre dinguerie, le XTerra Tahiti Trail se pose là. On nous avait prévenu que si l’occasion devait se présenter, de le courir – et au passage de le raconter -, il ne fallait en aucun cas la laisser passer. Mais on nous promettait aussi « de méchantes heures », « un truc de maboul ». Confirmation : la chaleur, l’humidité dans l’air (environ 80 %), la nuit et l’épouvantable technicité du parcours ont fait de ce trail mythique un cru 2024 particulièrement relevé, alors qu’on nous avait par ailleurs aussi assuré que la course serait « globalement assez roulante ». Très franchement, on cherche encore. Pour cette Nuit des Trails (4 formats cette année : 27k, 50k, 75k et 100k proposés), le rendez-vous a été donné comme de tradition à Moorea, l’île juste en face Tahiti, sur la sublime plage de sable blanc de Tahiamanu et son lagon bleu turquoise. Jusqu’ici, c’est le paradis. On va vite déchanter.
À 20h00, l’armée de frontales a pris possession du bitume de l’unique route de l’île, sous les encouragements d’une poignée de badauds et pour environ 1,5 km. Puis, on vire vite à droite pour un petit sentier avant les vraies hostilités. La chaleur est très prononcée, la moiteur de l’air est un poids terrible pour l’organisme. Après seulement 3 km, les t-shirts sont en nage, comme les fronts et bientôt les shorts. Cinq cents mètres plus loin, une longue corde a été installée pour monter puis descendre un creux très abrupt. Au total, une dizaine de cordes ont été installées pour passer au mieux les sections les plus raides. Course à pied, randonnée extrême et donc escalade.
Un coureur en sandales
La terre est sèche, très glissante. Les petites chutent s’enchaînent – nous ne sommes évidemment pas épargnés. Chaque pas est un piège, le sol est en permanence jonché d’innombrables cailloux et racines. On court et on marche sur des charbons ardents. La poussière virevolte dans l’air, en plus des gouttes de sueur qui perlent dans l’atmosphère. Quand on ose lever la tête, la « full moon » est une fée. Interminable et compliquée, la première grosse montée calme déjà les esprits. On croise dans cette tribu en file indienne un courageux (ou inconscient) qui a osé s’aventurer dans cet enfer avec une paire de sandales blanches de plage. Un hommage aux Raramuris des canyons de la Sierra Tarahumara au Mexique ? Belle audace.
Des rivières à traverser
La technicité du parcours oblige à marcher beaucoup, voire énormément. Et même à deux à l’heure (en réalité 12 au kilo), le cardio grimpe en flèche. Il faut être armé. Aux km 10 et 17, ravitos eau. Interstice béni. Puis on gobe des moucherons, on traverse plusieurs rivières. Trempés, sommes-nous, de la tête aux pieds. Lors du dernier tiers de la course, les écarts se distendent et on se retrouve seul au milieu de nulle part, pendant près d’une heure, à traverser cette jungle avec le corps qui titube parfois comme un zombie. Mais de la chaleur humaine il y a : tout au long du parcours, les bénévoles et militaires encouragent tous les coureurs, avec leur accent chantant. « Faaitoito ! » (Bon courage en tahitien).
