La France est universelle. Elle est le miroir intime du monde entier. Elle participe des aubes de tous les océans. France du Soleil levant et du Soleil couchant, France des neiges et des tropiques. Elle est de toutes les nostalgies, de toutes les aurores et de tous les crépuscules. Elle est un peu italienne avec la commedia dell’arte quand elle devient Molière. Elle est un peu espagnole avec Le Cid quand il devient Corneille. Elle est un peu anglaise avec Shakespeare quand il devient Racine. Bref, la France tire le suc de toutes les expériences et elle les rend sublimes.
Un jour, à l’âge de dix ans, je suis tombé sur une image insolite. Ce fut un éblouissement. Une enluminure allégorique du XVe siècle qui représentait la France sous la figure idéale d’un Jardin de Paradis. Elle m’a fait goûter ce qu’était l’universalisme français. Ensuite, j’ai mis des années à découvrir que cette miniature, d’une naïveté touchante, recelait le nombre d’or d’un peuple qui parle au monde entier depuis mille ans. La France n’est pas née au bout d’une pique, elle a éclos dans un jardin.
Le jardin était clos, entouré d’un palis d’osier armorié. Jardin de convoitises, attentif à ses confins. Jardin d’en face, le jardin d’Éden. Jardin de tempérance et du septième climat. Qui s’épanouira, plus tard, en « jardin à la française ». Quand la nature, devenant puissance invitante, ouvre à Versailles, pour le monde entier, un jardin régalien. L’ordre, en esthétique, y porte un nom : la symétrie. La justice, en esthétique, y porte un nom : la perspective. Il y a quelque chose de conceptuel dans tous les fleurissements français. Sans doute la mesure. Je comprendrai plus tard que ce jardin clos de l’enluminure est emblématique de la régale, c’est le pré carré de Vauban. Il faut protéger les confins ; toujours, il faut avoir un œil au-dessus du palis, pour ne pas être envahi.
Et puis, au milieu du jardin, il y a une dame, appelée la Domina. Celle qui domine, qui instruit. La dame de haut port et de seigneurie. Allégorie du pays inventeur de la courtoisie et des cours d’amour. « La France est une femme », disait Michelet. L’universalisme de l’amour maternel et des tendresses séculaires.
La France n’est pas née au bout d’une pique, elle a éclos dans un jardin
Et voici qu’au pied de la Domina, il y a un enfant qui joue du psaltérion. Instrument allégorique du verbe élégiaque et du lyrisme. La France est née d’une écriture, au défilé de Roncevaux. C’est France la douce. Elle n’a pas été enfantée par une ethnie comme la Germania, ou par la nature comme les îles britanniques. La France est un acte littéraire où les mots s’envolent comme les notes d’un cor aux abois qui appelle depuis la montagne aux échos sans fin.
Et puis, il y a, près d’un puits de jouvence, l’arbre sec qui refleurit. Déclinaison symbolique de l’arbre de Jessé. On croit qu’il va mourir. Et voici que, d’âge en âge, il redonne du fruit. C’est le peuple historique qui s’abîme et renaît.
Le plus souvent, les années corrodent les souvenirs et périment les images. Mais il arrive parfois que l’une d’entre elles échappe à l’amnésie d’une jeunesse insouciante. Ce fut le cas avec cette miniature de l’enfance qui m’inspira une aventure artistique aujourd’hui célèbre. Dans le seul souci de payer ma dette d’honneur pour une enfance heureuse, j’ai voulu refaire un Jardin de Paradis, un Jardin allégorique.
J’ai retrouvé et déployé la miniature en grand. Comme sur le modèle, le jardin est clos, entouré de murs antiques et de fleurs de rhétorique. Ce ne sont pas des lys royaux mais des genêts sauvages, le lys du pauvre, qui pousse sur les affleurements de granit stériles. La Domina s’appelle Catherine. Elle glisse sur le lac, avec ses songes – symbole de l’élégance française.
Le Jardin de Paradis, c’est la France
Le psaltérion est partout : la langue française et ses sortilèges.
Enfin, il y a le peuple historique, le peuple de la mémoire douloureuse comme l’arbre sec qui refleurit, dans les girandoles d’une prosopopée de tendresse.
Mon rêve est sorti tout armé d’une enluminure improbable, intitulée Jardin de Paradis. Le Jardin de Paradis, c’est la France.
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