« Stefan Zweig est descendu du train à Barbacena avec son épouse et a demandé à rencontrer Georges Bernanos […] C’est moi qui les ai conduits à la Croix-des-Âmes. » Cette confession, recueillie au Brésil le 27 juin 2002, ne cesse depuis lors de troubler l’âme de Sébastien Lapaque. Sans que son pied trébuche ni qu’il se couche, l’auteur d’« Échec et mat au paradis » a ainsi mis une vingtaine d’années avant de parvenir à dire tout ce que sa « conscience angoissée » pouvait savoir de cette entrevue, « un jour de l’été austral, en 1942 ».
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La discussion qu’ils ont pu avoir dans cette ferme de la Croix-des-Âmes où s’est installée la famille Bernanos depuis le mois d’août 1940, Sébastien Lapaque l’avoue d’emblée : « Je n’en sais presque rien. J’ai donc tout inventé. » Alternant avec des chapitres lui permettant de raconter sa quête, ce dialogue imaginaire donne pourtant une profondeur insoupçonnable à ce qui ne saurait être un simple récit d’enquête littéraire.
Archives de la Maison Stefan Zweig, Petrópolis, Brésil
Croire
« La grâce m’a été donnée de croire plus facilement à quelque chose plutôt qu’à rien », fait-il dire à Georges Bernanos. Pamphlétaire catholique, son espérance et sa foi tentent de rassurer Stephen Zweig. Las des nuits sans sommeil de l’exil, le désespoir de cet écrivain né à Vienne en 1881 semble sans remède. Agnostique aux racines juives, il a pressenti la montée du nazisme et quitté une Europe s’embrasant pour un illusoire paradis brésilien. Quelques jours seulement après s’être confié à Bernanos, il va poster sa nouvelle « Le Joueur d’échecs » puis se donner la mort, le 22 février 1942.
Interpress
Ce suicide de Zweig, deux heures avant celui de sa femme Lotte, obsède Sébastien Lapaque. Il cherche à le comprendre. Et pour rassasier son besoin de consolation, c’est chandelier en main que cet écrivain et journaliste éclaire leur mémoire et l’univers de l’époque de l’Estado Novo du Brésil. Un pays, une terre et des hommes ancrés dans la géographie littéraire de Lapaque. Pour toujours.
« Échec et mat au paradis » de Sébastien Lapaque, éd. Actes Sud, 336 p., 22,50 €, ebook, 16,99 €.
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