Marjane Satrapi, comment vous est venue l’idée de faire un film choral, un peu dans l’esprit des anciens films de Claude Lelouch qui racontent plusieurs destins, reliés par une thématique? En l’occurrence, la mort dans ‘‘Paradis Paris’’.
Marjane Satrapi: La description de la vie avec de la fantaisie, de l’esthétique et de l’extraordinaire m’intéresse énormément. Parce que si l’histoire n’a pas cette ampleur, elle ne vaut pas la peine d’être racontée. L’idée de la mort me hante depuis l’enfance avec les événements politiques des années 1970/1980 en Iran. Depuis, je vis avec une angoisse permanente, au point que chaque matin, je suis surprise d’être encore en vie. Chaque jour est un jour de gagné, et je veux en profiter, parce que demain, on ne sait pas ce qui peut arriver. À chaque fois que je dis au revoir à un ami ou à quelqu’un que j’aime, je pense toujours que ce pourrait être la dernière fois. À cela s’est greffée la volonté de faire un film sur Paris. Cela fait 30 ans que j’y vis et j’adore cette ville cosmopolite, unique dans le sens où l’on côtoie des gens de différentes classes sociales issus de toutes les origines… Chaque histoire que je raconte est basée sur des faits réels. Ensuite, j’y ajoute une touche de fantaisie.
Monica Bellucci, vous partagez ce ressenti vis-à-vis de la mort et de notre capitale?
Monica Bellucci: En Italie, nous avons ce concept de ‘‘demain est un autre jour’’. La mort donne une certaine joie de vivre et un sens de fatalité. Lorsque Marjane m’a expliqué son film, cela m’a parlé profondément. Incarner Giovanna, cette femme dans une impasse totale, m’a beaucoup intéressée. Elle a tout perdu: sa voix, sa reconnaissance, sa jeunesse, sa beauté… Elle ne se reconnaît plus et l’amour de son mari ne suffit pas à combler ce vide. Jouer ce personnage était intense et intéressant, mais aussi drôle et plein de distance… Quant à Paris, c’est un tourbillon permanent, une ville qui a une énergie exceptionnelle.
Au sein de votre immense filmographie, vous avez tourné des scènes très dures, comme le viol dans ‘‘Irréversible’’ ou, dans un autre registre, la première scène de ce film, où on vous considère, à tort, comme morte. Jouer est-il parfois pour vous une manière d’exorciser les pires cauchemars?
M. B.: Ce ne sont pas des cauchemars. C’est la réalité. Être considéré comme mort alors qu’on est vivant, ça peut arriver. Mais c’est ça, le cinéma. Je fais partie de ces personnes qui croient qu’un film peut changer les gens et les toucher profondément. Marjane a cette capacité, comme elle l’avait fait dans ‘‘Persépolis’’, de nous embarquer complètement dans un univers… D’ailleurs, je cherche à ce que les réalisateurs extirpent quelque chose de moi-même. Ainsi, lorsque j’ai fait ‘‘Irréversible’’, avec mon physique de l’époque, j’ai raconté une tragédie, celle de la beauté détruite par la violence de l’homme. Ici, j’utilise une nouvelle fois mon physique – qui a quand même changé – pour donner vie à un personnage qui vit un drame. Celui de la fin avant la fin… Car si Giovanna est encore vivante, elle n’existe plus pour personne. On ne se souvient pas d’elle, alors qu’elle était une grande star. Comment faire face à cela?
Une interrogation qui vous arrive de vous poser?
M. B.: Non… Mais ça pourrait arriver. Déjà, j’ai la chance, à mon âge, de pouvoir encore travailler. Cela est dû au grand changement social que nous vivons. Il y a quelques années en arrière, les actrices, même si elles étaient talentueuses, arrivées à un certain âge, c’était fini pour elles. Là, aujourd’hui, je peux même jouer avec ma vieillesse. J’ai 60 ans et avant, au cinéma, qui jouait à 60 ans? Et je ne suis pas la seule. Nous avons des actrices merveilleuses comme Catherine Deneuve, Isabelle Huppert ou Fanny Ardant qui continue d’avoir une carrière magnifique. C’est nouveau!
À défaut d’être aussi présent que dans ‘‘The Voices’’, l’humour noir est une nouvelle fois de la partie. Un genre que vous affectionnez particulièrement?
M. S.: La vie est une catastrophe.
On naît et on est condamnés à mort. Plus on avance dans la vie, plus on comprend cela. Il faut rire de cette perspective tragique pour continuer à avancer. L’humour est une manière de supporter les tragédies de la vie. C’est pour cela que je fais des films, pour parler des choses qui me touchent et auxquelles je crois.
L’histoire
Ex-star de l’opéra, Giovanna (Monica Bellucci) fulmine : alors qu’elle a été déclarée morte par erreur, les hommages de la presse tardent à venir. Mike (Ben Aldridge), cascadeur anglais, peut-il décemment trembler devant la mort alors qu’il la défie tous les jours? Fumer tue, mais Dolorès (Rossy de Palma) s’en fout: le jour des 15 ans de sa petite-fille, elle passe unilatéralement un pacte avec Dieu. Alors qu’elle essaie de se suicider, Marie-Cerise (Charline Balu-Emane), ado harcelée, humiliée et déprimée, est kidnappée et va tout naturellement faire de son ravisseur son psy. Édouard (André Dussollier), bien qu’il présente depuis des années une célèbre émission criminelle à la télé, accuse le coup quand sa mortalité se rappelle à lui…
Notre avis
Marjane Satrapi frappe toujours là où on ne l’attend pas. Révélée avec le roman graphique adapté en film d’animation « Persépolis », qui revenait sur sa jeunesse en Iran, la réalisatrice s’était ensuite essayée à la comédie noire « The Voices », un projet américain porté par Ryan Reynolds.
De retour en France, elle livre une déclaration d’amour à Paris. La capitale française devient le personnage principal d’un film choral où – chose plutôt rare dans le genre – les destins ne sont pas forcément entremêlés. La mort rôde cependant toujours autour d’eux. Là où l’entreprise pourrait paraître sinistre, Marjane Satrapi insère ce qu’il faut de fantaisie pour ne pas tomber dans ce piège.
À l’inverse, « Paradis Paris » est assez inégal dans ses récits. Ceux concernant Monica Bellucci, en sorte de Maria Callas oubliée de tous ou du cascadeur campé par Ben Aldridge, qui se lie d’amitié avec un jeune assistant tombant sous son charme, sortent du lot. En découle un film imparfait certes, mais au charme certain.
De Marjane Satrapi (France).
Avec Monica Bellucci, Ben Aldridge, Alex Lutz… Comédie dramatique. 1 h 30.
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