Tout envoyer en l’air, ou presque, et partir vivre nu dans la nature au soleil. Qui ne l’a pas déjà, si ce n’est désiré, du moins pensé un gris lundi matin d’hiver dans un métro moite et bondé ? De l’idée à la réalisation, il n’y avait qu’un pas, franchis dès la fin du XIXe siècle par des penseurs qui ont créé les premières communautés naturistes. Un mouvement qui aujourd’hui encore marque des territoires de son empreinte : Montalivet, le Cap d’Agde, l’île du Levant… Autant de localités qui résonnent avec le naturisme. Et c’est à cette histoire du mouvement naturiste, pensée bien au-delà du nudisme, que consacre le Mucem de Marseille une exposition.
Un retour à la terre face à l’urbanisation
« Ce qui fonde le naturisme est d’abord une pratique collective avec derrière l’idée utopique d’un retour à la terre qui s’inscrit en réaction à la société de la fin du XIXe siècle, marquée par le développement de l’urbanisation, l’industrialisation et les fortes pollutions engendrées », introduit Amélie Lavin, l’une des quatre commissaires de cette exposition.
Et c’est en Allemagne et en Suisse qu’apparaissent d’abord ces premières communautés sous l’impulsion de médecins et d’anarchistes reprenant à leur compte la maxime antique « un corps dans un esprit sain. » L’époque est alors parcourue par une forte pensée hygiéniste et les médecins adhérents au naturisme promeuvent l’exposition du corps à l’air, à l’eau et au soleil, dans la continuité des sanatoriums apparus pour soigner la tuberculose qui gagne les villes.
Des lieux pour bourgeois névrosés
« Il y a plusieurs dimensions dans le naturisme », poursuit Amélie Lavin. « Une dimension libertaire forte, avec l’idée de se débarrasser de ses vêtements comme autant d’oripeaux de la société capitaliste. Il y a aussi la thématique des médecines naturelles, de l’exposition du corps aux éléments pour le fortifier avec un discours sur la dégénérescence de la race et de sa régénération par le naturisme qui serait difficile à entendre aujourd’hui », développe la commissaire.
C’est ainsi que la première partie de la collection exposée montre de nombreuses revues et ouvrages sur ces thèmes allant jusqu’à prôner la marche pieds nus dans la neige. « On y trouve aussi le rêve du retour au paradis perdu du jardin d’Eden. Dans ces communautés on y promeut une vie ascétique extrême : On ne boit pas, on ne fume pas, on ne mange pas de viande », résume Amélie Lavin.
Une ascèse qui se vérifie par exemple dans le menu végétarien du restaurant de Monte Verita, une colonie naturiste de libres penseurs installée en Suisse. Mais vivre nus ou presque, nécessite toutefois de l’argent et c’est ainsi que ces communautés se lancent dans l’accueil de clients dans leur sanatorium et théosophes, anarchistes et bourgeois névrosés s’y croisent. Le début du mouvement est pour l’essentiel l’apanage des populations aisées. En France, une première communauté se structure dès 1927-1928. C’est d’abord une salle de sport parisienne, le Spartaclub, dont les fondateurs créent ensuite un lieu de vie dans un château de l’Eure fréquenté par un milieu très bourgeois.
Un « naturisme rouge »
Emerge alors en parallèle à partir des années 1930 « un naturisme rouge », notamment avec le Front populaire en France et l’instauration des premiers congés payés. Des campings naturistes font leur apparition comme à Noisy-le-Grand en bord de Seine, qui se déplace ensuite sur l’île du Platais, dans une boucle du fleuve francilien. Baptisée « Physiopolis », ce projet utopique renonce à la nudité intégrale pour s’éviter les ennuis administratifs et fait la part belle au sport : le complexe compte un grand stade sur le modèle grec antique, mais aussi un court de tennis, un terrain de basket. On y cultive alors « la recherche du corps parfait » et les premières photos de femme en bikinis apparaissent. « Une vision idéalisée, voire érotisées des corps féminins à laquelle s’oppose aujourd’hui le mouvement naturiste », relève notre guide.
L’aventure naturiste française poursuit sa croissance avec la fondation d’Héliopolis par les frères Durville, tous deux médecins, qui rachètent une partie de l’île du Levant, au large d’Hyères. « Le lieu est plus sauvage, davantage ensoleillé et comporte une dimension hédoniste forte » qui s’accentuera encore alors que se développe à partir des années 1950 le star-système sur la Côte d’Azur voisine. Et pour la première fois, des personnes viennent y vivent à l’année. Mais le territoire n’est pas un lieu entièrement privé et la nudité y reste proscrite notamment sur la place du village. De fait, les habitants qui apprécient être nus dans les lieux reculés de l’île imaginent une série de « vêtements, appelés minimum où l’objectif est de cacher les sexes avec le moins de matière possible ».
De contre-culture à juteux business
L’âge d’or du naturisme bât alors son plein et sont créées dans les années 1950 les communautés de Montalivet sur la côte Atlantique et du Cap d’Agde dans le golfe du Lion, qui restent aujourd’hui encore des hauts lieux de cette culture. Sortant des ornières confidentielles, le naturisme est gagné par les intérêts économiques. « Le village d’Oltra du Cap d’Agde connaît alors les prémices d’une culture libertine et d’un tourisme libertin qui projette une nudité hypersexualisée », explique la commissaire d’exposition. De contre-culture, le naturisme rejoint ainsi le giron d’une société de consommation contre laquelle il s’était érigé analyse Amélie Lavin : « À présent, les villages naturistes d’Agde, de Montalivet ou du Levantin sont rachetés par des promoteurs qui veulent y développer un camping de luxe ou y construire des villas, bien plus rentables ».
Mais ce n’est pas la fin pour autant de cette culture et l’on observe « un retour à l’idée initiale de communautés autogérées qui réactivent l’idée première. Mais tout cela reste encore un champ à étudier », conclut la commissaire de l’exposition visible au Mucem de Marseille jusqu’en décembre. Une exposition que les naturistes pourront visiter dans le plus simple appareil s’ils le souhaitent, avec des créneaux réservés un mardi par mois.
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