Dans les confins du Pacifique, là où l’océan s’étend à l’infini, se cache un atoll hors du temps : Pingelap. Cet archipel paradisiaque, bordé de cocotiers et baigné par les couleurs éclatantes du ciel et de la mer, renferme une particularité étrange, presque magique. Ici, sur cette petite île des archipels Carolines, une partie anormalement élevée de ses habitants ne perçoit pas le monde tel que nous le voyons. Ils sont daltoniens, ou plus précisément, atteints d’achromatopsie. Pour eux, la vie est une palette de gris, un film en noir et blanc sans la moindre teinte colorée.
Pingelap, avec ses quelque 250 habitants, est une curiosité génétique. Près de 10 % de sa population souffre d’achromatopsie, une maladie génétique extrêmement rare qui affecte la vision des couleurs. Ailleurs dans le monde, elle ne touche qu’une personne sur 50 000, mais sur cet atoll isolé, elle est presque commune.
Un paradis sans couleurs
Connue localement sous le nom de « maskun », la maladie des yeux éteints, l’achromatopsie plonge ceux qui en sont atteints dans un monde où les couleurs n’existent plus. « La couleur n’est qu’un mot pour ceux qui ne peuvent pas la voir », observe la photographe belge Sanne De Wilde, qui a consacré une série d’images à cette île si particulière.
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Pourquoi une petite île perdue au milieu du Pacifique abrite-t-elle tant de daltoniens ? Pour le comprendre, il faut revenir à la fin du XVIIIe siècle, lorsque Pingelap fut frappée par un événement cataclysmique. En 1775, un typhon d’une violence inouïe balaya l’atoll, emportant avec lui 90 % de la population. Seuls quelques survivants, parmi lesquels le roi Mwahuele, échappèrent de justesse à cette tragédie. Cependant, dans l’isolement de ce coin du monde et la consanguinité inévitable pour repeupler l’île, une mutation génétique rare prit racine : celle de l’achromatopsie. Portant ce gène en lui sans en souffrir, le roi transmit ce fardeau invisible à ses descendants. Cinq générations plus tard, la maladie s’était installée durablement dans le sang des insulaires, teintant leur existence de nuances de gris.
Parmi les habitants, une autre explication circulait. Selon la légende, un dieu nommé Isoahpahu s’était épris de Dokas, l’épouse du roi rescapé du typhon. Dans sa passion, le dieu demanda au souverain de lui céder sa femme. Parfois, Isoahpahu prenait l’apparence du roi et s’unissait à Dokas. Les enfants issus de cette union entre une femme mortelle et un dieu héritaient alors d’un don étrange, celui de ne voir le monde qu’en noir et blanc. Quant aux enfants nés de l’union du roi avec sa reine, eux, voyaient les couleurs comme tout le monde.
Des nuits plus claires que le jour
Au-delà de leur incapacité à distinguer les couleurs, les achromates de Pingelap souffrent également d’une sensibilité extrême à la lumière. En plein jour, ils plissent les yeux ou se réfugient à l’ombre, incapable de supporter la luminosité du soleil tropical. « Les personnes atteintes d’achromatopsie sont extrêmement sensibles à la lumière, ce qui est un véritable fardeau sur une île tropicale très ensoleillée », souligne Sanne De Wilde. « À la lumière du jour, le monde ressemble à une image brûlée. Elles ont du mal à garder les yeux ouverts lorsqu’elles sont à l’extérieur. »
La nuit, cependant, c’est une autre histoire. Oliver Sacks, l’éminent neurologue et écrivain, qui a visité l’île en 1994, note que « chacun sait à Pingelap que ceux qui ont le “maskun” se débrouillent mieux lorsque la vision scotopique est requise – à l’aube, au crépuscule et au clair de lune ». Les pêcheurs daltoniens sont ainsi célèbres pour leur capacité à naviguer dans l’obscurité, extrêmement doués dans l’art de ramener des prises à la lueur de la lune.
Une fatalité génétique
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Mais malgré l’acceptation apparente des habitants, le « maskun » reste perçu comme une fatalité sur l’île. L’achromatopsie est une maladie autosomique récessive. En d’autres termes, elle reste dans les gènes des parents qui peuvent la transmettre à leurs enfants. Deux parents porteurs d’une copie du gène muté ont un risque sur quatre de donner naissance à un enfant malade. Aujourd’hui, 30 % des habitants de Pingelap sont porteurs sains, ce qui signifie que la maladie continuera probablement à affecter les générations futures.
Contrairement aux pays développés, où des solutions comme des verres filtrants ou des dispositifs de grossissement sont disponibles, les insulaires de Pingelap n’ont pas accès à ces technologies. Leur isolement géographique complique encore l’accès aux soins de santé, et peu d’interventions médicales ont eu lieu sur l’atoll depuis la visite d’Oliver Sacks en 1994. La maladie reste, pour beaucoup, une part intégrante de la vie sur cette île éloignée. Dans cet univers monochrome, où le bleu du lagon et le vert de la jungle ne sont que des légendes pour beaucoup, Pingelap reste une énigme : un paradis, certes, mais un paradis en noir et blanc.
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