Le « paradis énergétique » de Jordan Bardella

Sources : CGCSPE, CRE, calculs Comwatt

Prix de l’électricité : les erreurs de calculs du RN

Mais l’Union européenne ne se contente pas selon Jordan Bardella de « saccager le système électrique français » : elle organiserait également « la flambée des factures énergétiques en indexant le prix français de l’électricité sur le prix européen du gaz ». En réalité, si les factures des Français ont flambé, c’est surtout en raison de la baisse brutale de production nucléaire domestique en 2022 et des risques de sécurité d’approvisionnement, la France étant soudainement passée d’exportatrice nette à importatrice nette d’électricité, le plus souvent produite à partir de gaz… Jordan Bardella explique désormais partout ne plus vouloir sortir du marché européen de l’électricité mais faire en sorte que le prix de l’électricité pour les Français n’en dépende pas, avec un tarif indexé sur les coûts de production, ce qui pose certains problèmes comme nous le verrons plus loin. Il est à noter que pour éviter l’exposition des consommateurs aux variations des prix de marché, le Parlement européen a bien voté une réforme fournissant tout un arsenal d’outils pour rapprocher les prix des coûts de production avec les contrats long terme et les contrats pour différence (CfD). Le RN a voté contre, s’opposant justement au mécanisme des CfD pour le parc nucléaire français au motif que cela nécessiterait de revoir la structure d’EDF, ce qui est probable, mais ce qui pourrait tout de même profiter au consommateur quoi qu’en dise le RN.

Tout en restant dans le marché européen de l’électricité, Jordan Bardella veut donc « baisser de 30% à 40% la facture d’électricité, en rétablissant un prix français de l’électricité (…) proche des coûts de production ». La facture d’électricité des ménages étant composée pour un tiers de taxes, un tiers de coûts de réseau et un tiers d’électricité, en réalité, les deux tiers de leur facture ne dépendent pas du marché. Quant au troisième tiers, il comporte aujourd’hui une part de nucléaire régulé et une autre part liée au prix de marché. Ainsi, le marché ne représente qu’un sixième de la facture d’électricité d’un ménage… On se demande dans ces conditions comment mathématiquement le RN pourrait baisser de 30 à 40% une facture d’électricité en changeant uniquement les règles d’exposition aux variations du marché…

Lorsqu’en 2016, le gouvernement de l’époque a modifié la formule du tarif réglementé de l’électricité, passant d’un tarif indexé sur les coûts à un tarif combinant nucléaire régulé et complément de marché, l’objectif était justement d’éviter une flambée des prix de l’électricité pour les ménages, à un moment où les marchés de l’électricité étaient bas et où EDF demandait des augmentations du tarif pour couvrir ses coûts. S’il est vrai qu’un tarif indexé sur les coûts aurait été plus avantageux que le tarif actuel pendant la crise récente, même avec une baisse de taxe, cela n’aurait certainement pas permis une baisse de 30%, les coûts du système électrique français s’étant considérablement accrus pendant la crise avec la baisse de production du parc électrique domestique ainsi que le recours aux importations et au gaz à un moment où son prix était au plus haut.

Par ailleurs, les prix de marché de l’électricité étant désormais retombés, il n’est absolument pas dit qu’un tarif indexé sur les coûts (<a href="https://www.contexte.com/article/energie/info-contexte-cout-du-nucleaire-le-regulateur-etrille-la-contre-evaluation-dedf_174867.html#:~:text=Dans%20le%20d%C3%A9tail%2C%20EDF%20a,r%C3%A9gulation%20retenu%20par%20l’%C3%A9lectricien. »>74€/MWh selon EDF pour le seul nucléaire, auquel il faudrait ajouter le coût des autres sources pour avoir un coût complet) serait beaucoup plus avantageux qu’un tarif de marché dont les prix à plus long terme se négocient à 65€/MWh pour l’ensemble de la consommation de base et dont il est attendu de nouvelles baisses.

Les barrages hydroélectriques dans l’impasse

« Nous nous opposons à la libéralisation des concessions de nos barrages hydroélectriques », déclare également Jordan Bardella dans son programme. Comme tout le monde, est-on tenté d’ajouter, l’hydraulique français étant dans une impasse juridique depuis plusieurs années. Mais, au-delà des proclamations, quelle est la solution pour sortir de cette impasse ? La France doit depuis 10 ans mettre en concurrence les concessions hydroélectriques et ne le fait pas. De ce fait, tous les investissements dans l’hydroélectrique opéré par EDF sont bloqués pour ne pas briser les contrats de concessions en cours. C’est un immense gâchis. Trois solutions sont alors possibles :

  • Céder et mettre en concurrence les concessions hydroélectriques, ce que l’ensemble des partis politiques rejettent ;
  • Adopter un régime de quasi-régie, où EDF pourrait continuer à opérer les concessions hydrauliques, à condition qu’elles soient séparées du reste du groupe et que l’Etat soit l’acteur principal de décision dans la gouvernance. Cette solution a déjà eu l’aval de la Commission sous certaines conditions ;
  • Basculer « en régime d’autorisation », c’est-à-dire vendre les barrages à EDF qui en deviendrait propriétaire. Cette troisième solution est désormais poussée par EDF, ayant un temps voulu privilégier la quasi-régie, pour conserver l’intégrité du groupe. Ce ne serait toutefois pas sans poser des problèmes juridiques, l’Etat devant généralement a minima réaliser des appels d’offre pour la session de ses actifs.

Malheureusement, le programme de Jordan Bardella s’arrête à la déclaration de principe et ne dit pas comment il compte éviter la mise en concurrence des barrages hydroélectriques, alors que c’est justement là le nœud du projet. A moins de vouloir tout simplement déroger aux règles européennes sans concertation, ce qui est plusieurs fois mentionné dans le programme, rappelant ainsi les anciennes positions du RN sur la sortie de l’Union européenne.

L’introuvable « diplomatie écologique »

Jordan Bardella souhaite enfin « déployer une diplomatie écologique en exportant le savoir-faire industriel français en matière d’énergie décarbonée ». On le comprend : quand on a trouvé la clé du « paradis énergétique », autant essayer de la partager en exportant au passage nos solutions industrielles. Au fil de la lecture, nous pourrions imaginer qu’il s’agit ici de miser sur nos savoir-faire dans le nucléaire et l’hydraulique pour proposer un modèle alternatif de décarbonation à nos voisins et partenaires. En réalité, Jordan Bardella semble l’ignorer, mais c’est déjà le cas : les industriels nationaux concernés n’ont pas attendu les fulgurances du Rassemblement national pour essayer d’exporter leurs solutions, le plus souvent avec le soutien de la diplomatie française. Mais, quelles que soient nos performances à l’exportation dans ces domaines, ce mix de solution est insuffisant pour se décarboner. En outre, les énergies qui progressent le plus dans le monde aujourd’hui sont l’éolien et le solaire. En tirant un trait sur ces « énergies intermittentes », comme le propose Jordan Bardella, la France se marginaliserait, alors même que sur l’éolien en mer où l’Europe peut encore faire figure de leader, la France dispose d’un magnifique potentiel de production.

Quelques incohérences et de gros trous dans la raquette

Moins directement liées au secteur de l’énergie, d’autres mesures du programme de Jordan Bardella sont censées concourir à l’effort de décarbonation. Essayant de conjuguer patriotisme économique et lutte contre le réchauffement, Jordan Bardella propose ainsi de « Passer du libre-échange au juste échange et de favoriser les boucles locales ». Mais alors pourquoi s’est-il abstenu lors du vote sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (« taxe carbone aux frontières ») qui consistait précisément à permettre la réciprocité sur la prise en compte du climat dans les processus de production ? Mystère…

Le RN se prétend désormais convaincu de l’origine humaine du réchauffement climatique et affirme que même si l’Europe ne représente qu’une faible part des émissions de CO2, elle doit prendre sa part à l’effort. Mais alors pourquoi s’être opposé à l’interdiction à la vente des véhicules neufs émetteurs de gaz à effet de serre à partir de 2035 au Parlement européen ? Interdiction qui, par ailleurs, n’empêchera pas les propriétaires de véhicules thermiques de continuer à les utiliser, voire de les vendre sur le marché d’occasion…

Sur ce dernier point, le programme de Jordan Bardella tente toutefois une explication : « Plutôt que d’interdire brutalement et sans étude d’impact la vente des voitures thermiques individuelles, l’Europe doit favoriser l’innovation dans le secteur pour ne pénaliser ni les consommateurs ni les emplois industriels. »

style= »margin-left:38px »« Miser sur l’innovation », « ne pénaliser ni les consommateurs ni les industriels »… ce sont là les éléments de langage habituels de l’immobilisme : il faudrait tout changer sans déranger personne et miser sur la technologie sans revoir les usages. Si l’effort d’innovation est en marche (par exemple sur les nouvelles chimies des batteries, etc.), c’est bien parce que les pouvoirs publics ont fixé des échéances claires et ainsi stimulé l’investissement des constructeurs. Par ailleurs, aucun scénario sérieux de décarbonation ne prétend que l’on pourrait y arriver uniquement par ce moyen.

Rappelons par ailleurs que la loi française prévoit déjà d’interdire la vente de véhicules neufs émetteurs à partir de 2040 et que d’autres pays, comme le Royaume-Uni ou l’Inde, ont déjà pris des mesures similaires. Continuer à vendre des véhicules thermiques neufs au-delà de 2035, ce serait en réalité nous enfermer dans les consommations fossiles pour encore 30 ans, et donc renoncer à la neutralité carbone en 2050. C’est assez cocasse dans un chapitre du programme de Jordan Bardella censé être consacré au climat…

Enfin, cet inventaire ne serait pas complet sans évoquer les « trous dans la raquette » du programme de Jordan Bardella. On n’y trouvera notamment aucune occurrence des mots « sobriété » et « efficacité ». L’ébriété énergétique est en réalité la norme pour le RN.

On n’y trouvera non plus aucune mention d’Euratom, l’un des traités fondateurs de l’Union européenne en matière de coopération sur le nucléaire, malgré l’insistance du programme du RN sur cette énergie. Est-ce à dire que les travaux sur le nucléaire ne peuvent se faire dans le cadre européen ? Plusieurs initiatives ont montré l’inverse.

Conclusion

Baisse de la TVA sur les carburants, désinvestissement des énergies renouvelables, pari exclusif sur le nucléaire et l’hydraulique qui ne permettront pas une large électrification des usages, opposition à la fin des véhicules émetteurs à partir de 2035, absence totale de propositions en matière de sobriété et d’efficacité énergétique… Les comptes sont vite faits : en réalité, derrière le rideau des apparences et des déclarations générales, le RN mise sur la pérennité des consommations d’énergies fossiles. Beaucoup de points suggèrent que le renoncement à la sortie de l’Union européenne relève d’un simple exercice de toilettage rhétorique puisque le RN propose finalement de déroger à un grand nombre de règles et d’objectifs qui sont aujourd’hui au cœur du projet européen.

Le programme de Jordan Bardella en matière énergétique et climatique est un programme de casseur et non de constructeur, de soumission et non de souveraineté. Voilà la triste vérité du parti qui caracole en tête des intentions de vote aujourd’hui.

Cette chronique est produite du mieux possible. Pour toute observation sur cet article concernant le sujet « Le paradis » merci d’utiliser les coordonnées indiquées sur notre site internet. Le site le-paradis.net a pour but de créer diverses publications sur le thème Le paradis éditées sur le net. Cet article parlant du thème « Le paradis » fut trié sur internet par les rédacteurs de le-paradis.net Très prochainement, nous présenterons d’autres informations pertinentes sur le sujet « Le paradis ». En conséquence, consultez de façon régulière notre site.

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