Depuis près de 1000 ans, une règle interdit à la gent féminine et à tous les animaux femelles de pénétrer sur le mont Athos, au nord du pays.
L’information ne manque pas de susciter l’indignation de la gent féminine. Pourtant, cette règle, quasi millénaire, semble prévaloir sur toute logique contemporaine. Au sud de Thessalonique, en Grèce, le mont Athos est considéré comme l’un des lieux les plus importants du monde chrétien orthodoxe. Une péninsule abritant 20 monastères, où vivent hors du temps environ 1500 moines, à plus de 2000 mètres d’altitude. Et où il est interdit aux femmes de pénétrer. Selon l’article n°186 de la charte statutaire du mont, « l’entrée des femelles à la péninsule du mont Athos est interdite conformément à la tradition en vigueur ». Cette dénomination d’un autre temps inclut non seulement les femmes, mais aussi les enfants et les animaux femelles. Seules les chattes, utiles pour chasser les rongeurs, et les poules, pour pondre les œufs, sont tolérées.
Les raisons invoquées ? Leur présence compliquerait la tâche des moines, qui ont fait vœu de célibat. De plus, le mont Athos revêt une importance symbolique dans la religion orthodoxe. La tradition veut que la Vierge Marie, alors qu’elle tentait de rejoindre Chypre avec l’Apôtre Jean, s’échoua sur le mont. Elle aurait tellement aimé le lieu qu’elle demanda à Dieu de lui donner la montagne en présent. L’endroit devint alors le « jardin de la Vierge Marie », seule femme jamais admise (officiellement) sur la péninsule grecque. Un récit à l’origine d’une norme discriminatoire, érigée en 1046 et toujours en vigueur en raison du statut particulier de la presqu’île.
Des permis délivrés au compte-gouttes
Le mont Athos est une république monastique au statut autonome, reconnue par le droit international. Sa première constitution a été signée par l’empereur byzantin Jean Ier Tzimiskès en 972. C’est un lieu de pèlerinage où seuls les hommes peuvent pénétrer. Mais même pour eux, l’accès est restreint, les permis étant délivrés au compte-gouttes. Les pèlerins doivent contacter le Bureau des Pèlerins de Thessalonique pour obtenir ce laissez-passer spécial, appelé « diamonitirion », ainsi que le monastère qu’ils souhaitent visiter pour réserver leur logement, comme indiqué sur le site dédié. Chaque jour, seuls 100 hommes orthodoxes et 10 non-orthodoxes (mais obligatoirement chrétiens) sont autorisés à entrer, pour une durée maximale de 4 jours et 3 nuits, renouvelable une fois.
Le lieu possède une grande valeur historique. Sa « Sainte Montagne » et les 150 km² qui l’entourent sont inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco. Les monastères, perchés sur des pitons rocheux, fascinent les visiteurs. Comme le rappelle l’organe de l’ONU, l’école de peinture du mont Athos a marqué l’histoire de l’art orthodoxe. Les pratiques agricoles monastiques ont également permis le maintien de certaines espèces végétales devenues rares dans la région. Pour y accéder, pas de route depuis l’extérieur. Il est possible de randonner sur différents sentiers pour atteindre les monastères ou de s’y rendre par la mer, depuis le port d’Ouranoupolis.
Des femmes travesties en hommes
Malgré l’interdiction, certaines femmes ont réussi à entrer dans l’enceinte sacrée. Dans les années 1920, la journaliste et écrivaine française Maryse Choisy (également fondatrice de la revue Psyché) y a séjourné en se faisant passer pour un homme, affublée d’une moustache et d’une prothèse pénienne. Elle en a tiré un livre : Un mois chez les hommes, publié en 1929. Une décennie plus tard, l’ancienne Miss Grèce, Alíki Diplarákou, provoque le scandale en se rendant sur le mont Athos déguisée en homme. En 1953, une autre Grecque, Maria Poimenidou, transgresse l’interdit des moines en se travestissant en homme, réussissant à rester trois jours sur la Montagne Sacrée. Un épisode qu’elle a raconté par la suite et qui a conduit à l’adoption d’un décret prévoyant un an d’emprisonnement en cas de violation.
Plus récemment, en 2008, quatre femmes d’un groupe d’immigrants moldaves, venant de Turquie, se sont retrouvées par erreur au pied de la péninsule. Pas de dérogation à la règle : elles ont été remises à la police. Aujourd’hui, si vous êtes une femme, il est seulement possible d’apercevoir le mont Athos depuis un bateau. Certaines croisières proposent de longer les côtes pour entrevoir la péninsule et ses monastères. Une maigre consolation face à cette règle d’un autre âge. En 2013, le Conseil œcuménique des Églises, qui compte quelque 350 Églises chrétiennes du monde entier, a demandé la suppression de ce dogme discriminatoire. En vain.
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