«Lorsque j’ai ouvert la fenêtre au lendemain de ma première nuit à Bargemon, que j’ai vu le ciel bleu, le vert des arbres et le soleil illuminant Notre-Dame de Montaigu, j’ai remercié Dieu. J’ai vraiment pensé que je pourrais faire ma vie ici », raconte Fahed Aollo, dans un large sourire.
Il faut croire qu’un miracle s’était produit dans la nuit, car de l’aveu de l’intéressé, en arrivant la veille, en une fin de journée hivernale, « je ne me sentais pas bien du tout. Ce n’était vraiment pas l’idée que je me faisais de la France. »
Dix ans plus tard, le solide trentenaire habite toujours le village. Et il n’est pas près de le quitter. « Bargemon est un petit paradis pour nous », affirme-t-il. « Nous », c’est la petite communauté de réfugiés irakiens – tous des chrétiens de la plaine de Ninive – qui, fuyant l’avancée sanglante de Daech, a atterri dans ce village du Haut-Var d’à peine 1 400 âmes.
Pas un sujet de division
Fahed Aollo a été le premier à poser ses rares bagages à Bargemon en décembre 2014. L’éclaireur en quelque sorte. Une grosse vingtaine d’autres de ses concitoyens et coreligionnaires, parmi lesquels des femmes et des enfants, suivront rapidement. D’autres arriveront encore plus tard au cours de l’année 2015. Au point que la communauté irakienne comptera jusqu’à une cinquantaine de personnes.
Yves Bacquet, le maire de l’époque, se souvient très bien de ce moment un peu particulier. « On a eu très peu de temps pour se préparer à les accueillir. En moins d’une semaine, on a dû s’organiser, répartir les tâches pour aller les chercher à l’aéroport de Marseille, les loger, trouver des traducteurs, mettre en place des cours d’alphabétisation… », se rappelle l’élu. Si une partie de la population a pu se montrer réticente à l’idée d’accueillir les Irakiens, « ça n’a jamais été un sujet d’affrontement », assure Nadine Decarlis, l’actuelle maire de Bargemon, dans l’opposition à l’époque.
Malgré les petites difficultés qu’on imagine pour intégrer du jour au lendemain une vingtaine de personnes ne parlant pas un seul mot de français, « on était ravis qu’ils soient là », confesse Yves Bacquet. Et pour cause : « Une classe de primaire menaçait de fermer. Au mois d’avril, ce n’était plus d’actualité grâce à la scolarisation de six enfants irakiens. Le curé du village, à l’origine – avec l’évêché de Toulon – de la venue des chrétiens, disait même : “ça tombe du ciel”« , raconte l’ancien maire, amusé.
Un cadeau « divin », mais tenu secret. « Le curé avait peur que Daech ne tente quelque chose contre eux. Il répétait : “On ne les a pas tués en Irak, ce serait dommage qu’ils soient tués à Bargemon”« , explique Yves Bacquet.
Un retour impossible au pays
Dix ans plus tard, le danger semble bien loin. Mais pour Fahed Aollo, pas question de retourner en Irak. « L’Irak, c’est fini pour moi. Mon père, qui est né avec la guerre et vit encore là-bas aujourd’hui, me le dit chaque fois que je lui parle via WhatsApp : il ne se passe pas un seul jour paisible », confie-t-il. Son beau-frère Arseen Al-Banaa est tout aussi réaliste: « Jusqu’au dernier moment, j’assurais la sécurité de l’église de Qaraqosh. J’ai vu Daech rentrer dans notre village en août 2014. La peur ne m’a quitté qu’à mon arrivée en France. Mon seul besoin est de vivre en paix. Alors pas question de retourner là-bas. »
Preuve de leur installation durable à Bargemon, les deux hommes, déjà associés en Irak, ont monté leur entreprise de maçonnerie du bâti ancien en 2022. « On a suivi un stage à Brignoles pour apprendre les techniques de la pierre sèche, de la chaux… Sur les 22 personnes inscrites, on est les deux seuls à avoir réussi », glisse Fahed, avec fierté. Et là encore les habitants du village se sont montrés généreux. « Les Bargemonais nous ont acheté une camionnette et du matériel. Quant à Yves Bacquet, qui est comme notre frère, il nous a donné l’échafaudage avec lequel il travaillait comme peintre en bâtiment », racontent, encore incrédules, les deux beaux-frères.
Un équipement qu’ils n’ont pas mis longtemps à utiliser. Sept chapelles et églises de la Dracénie ont été rénovées. Dont l’église Saint-Etienne à Bargemon, entièrement restaurée. Le dallage, les colonnes en faux marbre, la sacristie… Tout a été refait par les deux Irakiens. « Pendant toute la durée des travaux, les Bargemonais nous apportaient du café, des croissants, de l’eau fraîche », témoigne Fahed Aollo. Pour les remercier, celui qui était professeur d’art en Irak a réalisé une mosaïque représentant deux paons. « Symbole de la vie éternelle », précise-t-il.
Nadine Decarlis est impressionnée par la faculté d’intégration de ses administrés irakiens : dix personnes encore aujourd’hui, dont trois sont nées dans le village. « En à peine dix ans, les enfants ont appris le français et le parlent mieux que vous et moi. Tous se montrent respectueux, tolérants. Avec tout ce qu’ils ont vécu, je leur tire mon chapeau », déclare l’édile. Et si c’était à refaire ? « Sans hésiter ! D’ailleurs, on a depuis accueilli des Ukrainiens. »
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