C’est l’histoire d’un homme qui élève seul son enfant dans le village de Paradis, balayé par les vents, devant un océan aux couleurs magnétiques. C’est l’histoire d’un enfant qui vit dans ce village avec son père, fait des rêves toutes les nuits et les raconte à ses camarades de classe. Un jour, la nuit de cet enfant est nimbée des couleurs du paradis : il raconte à son copain qu’il s’est gavé de poisson et de friandises. Cigaal et son papa, Marmagade, habitent « le Village aux portes du paradis ».
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« Avec ce film, je voulais montrer que la Somalie a des atouts incroyables, le plus grand littoral d’Afrique, l’océan Indien d’un côté, le golfe d’Aden de l’autre, que ce pays est à deux doigts d’être un véritable paradis mais n’y parvient pas tellement il est miné par les problèmes », raconte Mo Harawe, souriant et détendu, dans un hôtel parisien. Son film est en compétition au Festival de Cannes dans la sélection Un Certain Regard. Une consécration pour ce jeune cinéaste de 33 ans, né à Mogadiscio, qui a passé une bonne partie de sa vie en Autriche. Ce premier long métrage est une forme de déclaration d’amour à ce pays et à ses origines.
Une ode à l’amour et au courage
L’amour qui unit et étreint Cigaal et Marmagade est donc, logiquement, le fil conducteur de ce film tout en lenteur et en subtilité : le père se sacrifie pour sauver l’avenir de son fils. Quant au fils, il a sauvé son père, par sa simple présence. Cadeau du ciel laissé par sa femme, celle qu’il aimait et qui est partie trop tôt. « Ça coûte cher de creuser une tombe ? Ça dépend du sol. S’il est meuble ou s’il est dur. » Marmagade accepte tous les boulots possibles. Parmi eux, fossoyeur.
Il se résigne même à transporter des munitions planquées sous des chèvres. Pourvu que cela lui permette de payer le pensionnat de son fils. L’école du village vient de fermer. Il lui faut trouver coûte que coûte de quoi payer les études de son fils.
Le sujet de l’argent est omniprésent. Ces billets de banque qui circulent sont comptés et recomptés, volés dans les caisses, ces sommes qui ne sont pas payées et qu’il faut aller réclamer. Dans Le Village aux portes du paradis, l’argent ne sert pas à vivre mais à survivre. « La Somalie est mon pays. Je ne le vois pas comme un cauchemar. Tout est une question de perspective. Là-bas, tout le monde peut acheter une terre, donner vie à ses rêves… Ce sera un paradis si on trouve une solution à tous les problèmes dont je parle », poursuit Mo Harawe.
La Somalie entre chaos et grâce
Alors, les maux de la société somalienne sont maintenus en suspension tout au long du film : la polygamie, les mariages blancs, l’éducation bien sûr, avec ces écoles qui ferment faute de financement, l’accès à la bancarisation pour les femmes, la pêche illégale, le trafic d’armes… Et puis il y a les drones… qui ouvrent le film de façon âpre. Brutale. L’annonce faite au journal télévisé britannique d’une voiture pulvérisée par un drone est une volonté du réalisateur : « Je voulais aussi montrer comment certains événements, comme l’attaque de drones dans ce cas, sont souvent présentés avec un sensationnalisme qui n’a rien à voir avec la réalité de ce que vit la population somalienne. »
Les attaques au drone, c’est le quotidien et la crainte des Somaliens. Alors ceux-ci rythment le film, comme des acteurs à la fois volants et invisibles. Des attentats suicides ont lieu régulièrement, comme en août 2024. À l’œuvre ? Les Chabab, des rebelles islamistes radicaux affiliés à Al-Qaïda, qui ont perpétré de nombreux attentats à la bombe, mais aussi des attaques à Mogadiscio et dans plusieurs régions de ce pays de la Corne de l’Afrique.
Cigaal (Ahmed Mohamud Saleban) est une petite merveille d’acteur. Il porte le film de bout en bout. Et quelque part, sa maturité tire son père, écrasé par la mélancolie. Cigaal ne demande rien, vit en autonomie, joue et chante sous la douche, dessine… Cigaal qui « ira loin si vous lui en donnez les moyens », dit la maîtresse de l’école du village.
Alors, le père réalise la plus belle preuve d’amour : il se sépare de celui qu’il aime le plus au monde, pour lui offrir un avenir. Pour le sortir du piège de ce village. Pour qu’il puisse réaliser ses rêves les plus fous.
Femmes debout, pays en sursis
Et puis il y a la sœur de Marmagade, Araweelo, qui habite avec eux et qui est incontestablement l’autre héroïne du film, la force tranquille et silencieuse. Elle porte les valeurs des femmes de ce pays qui veulent faire bouger les lignes. Sans précipitation. Sans rébellion. Avec cette patience qui force le respect.
Araweelo incarne tous les combats de la femme somalienne : elle divorce parce qu’elle ne veut pas que l’amour de son mari soit partagé. Elle ne se rebelle pas quand on lui refuse un prêt à la banque parce qu’elle n’est plus mariée, mais trouve une solution : un mariage blanc. Elle se bat. Jour et nuit. Avec abnégation. Et au final, ce sont toutes les femmes de ce pays sublime, dont la beauté inonde le film, qui sont mises à l’honneur. « Les femmes somaliennes sont très fortes, j’en prends la mesure depuis que je suis jeune, je voulais montrer qu’elles savent ce qu’elles veulent et qu’elles se battent, mais qu’il y a une part de challenge qui reste », insiste Mo Harawe.
La résignation et la résilience ruissellent donc dans ce film d’une grande puissance esthétique, le réalisateur filmant au plus près ces visages burinés par le soleil, enfouis sous la poussière. Les personnages apparaissent souvent en clair-obscur. « Je suis convaincu que chaque être humain, où qu’il soit, peut trouver un moyen de survivre et d’atteindre les buts qu’il s’est fixés. L’esprit de ce film était vraiment d’insister sur ce champ des possibles qui est immense à condition de travailler dessus », ajoute le cinéaste.
La densité émotionnelle du film repose aussi sur la fierté d’être somalien, la cohésion et l’entraide, le désir de se construire un avenir dans un pays décharné par la sécheresse, balayé par le vent et les attentats. À un moment du film, Cigaal prend la main de sa tante pour lui montrer sa fierté dans sa nouvelle école. Il ne s’agit pas de son nouveau cartable ni de son uniforme flambant neuf, mais de l’arbre qui lui a été attribué.
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Le Kangourou du jour
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Cet arbre qui, comme lui, va grandir et va devenir un adulte gonflé d’espoir.
Le Village aux portes du paradis de Mo Harawe avec Anab Ahmed Ibrahim, Ahmed Ali Farah… 2h14, sortie en salles le 9 avril en France.
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