Richard Ford retrouve son personnage Franck Bascombe pour un cinquième roman, intitulé « Le paradis des fous », qui paraît ce vendredi 20 septembre aux éditions de L’Olivier.
Le bonheur en point de mire
Voilà quarante ans que Richard Ford chemine avec Frank Bascombe. Ce dernier livre est le cinquième qu’il compose autour de ce personnage, parmi d’autres livres dont certains ont reçu le prix Femina étranger ou le prix Pultizer. Mais Frank Bascombe vieillit avec lui et change au rythme du changement de l’Amérique. C’est un Américain lamba, qui compte deux divorces avec des femmes avec qui il a gardé un bon contact, et deux grands enfants, qu’il voit de loin en loin et avec lesquels il a moins d’atomes crochus. Il vit seul mais n’a pas renoncé au bonheur, sans trop savoir à quoi ressemble le bonheur ni avec qui le partager. Mais le bonheur est au centre de son existence. Sauf que, quand le livre s’ouvre, la veille de la Saint-Valentin, c’est avec son fils Paul, 47 ans, atteint de la maladie de Charcot qu’il va la passer.
Paul et son père ont un sens de l’humour qui leur fait supporter bien des choses, à commencer par eux-mêmes, et surtout la terrible perspective de cette maladie dégénérative.
Et voilà le charme absolu et le talent redoutables de Richard Ford, qui ne cherche pas à écrire de grandes choses sur la banalité de la vie. Ce qu’il fait pourtant. Car c’est la banalité de la vie qui l’intéresse, la façon dont on se débrouille avec elle, avec ses tragédies. Et il en fait précisément une grande chose.
Son roman nous trimballe à la suite de Frank, qui a l’idée saugrenue d’emmener son fils, en piteux état, voir le mont Rushmore. Ce site on ne peut plus kitch, faussement grandiose et fallacieusement symbolique, cette falaise immortalisée par Hitchcock dans son film « La mort aux trousses », sur lesquelles sont creusées les têtes des présidents des Etats-Unis. On peut mourir sans l’avoir vu mais cette visite, c’est l’histoire de faire quelque chose avec son fils, de partager un moment, bien qu’ils voient bien tous deux l’absurdité de cette virée bancale, le long d’autoroutes sans charme et de champs de maïs enneigés du Minnesota et du Dakota du Sud, à bord d’un vieux camping-car immatriculé en Floride. Autre incongruité.
Vivre dans l’instant
Et c’est l’occasion pour Richard Ford de saisir le portrait de cette Amérique, qui périclite, qui bousille ses paysages, qui va de l’avant, crédule mais chaleureuse, bien qu’impersonnelle ou factice dans son positivisme rose bonbon, ses clichés et ses leurres. Et on ne s’en lasse pas, car c’est un regard plein de sympathie. Nous sommes ravis d’être en compagnie de Frank et de Paul, plus grands, plus profonds, plus mystérieux qu’ils ne le pensent. Ces deux-là n’arrêtent pas de s’envoyer des vannes, très drôles d’ailleurs. On voyage avec eux dans ce que l’Amérique a de plus moche, les fast-foods, les casinos, le musée du maïs, mais on en redemande. Parce que le regard est lucide mais amical, jamais condescendant ou cynique. Chacun fait comme il peut, grappille un peu de joie, ou de rêve, comme Frank et Paul font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils sont. Le livre s’améliore, devient encore meilleur au fil des pages. On n’a plus envie de lâcher ni Paul dans ses survêtements aux slogans craignos, ni son père monologuant pour lui seul, et terriblement loquace, voyant tout, chaque détail, en photographe sensible, à qui n’échappent ni les clivages ni les égarements de ses concitoyens. Ceux qui apposent des stickers sur leurs bagnoles : pour Trump ou pour Biden, ou pour les deux en même temps, on ne sait jamais ce que l’avenir réserve. On n’est jamais trop prudent.
Frank lui-même ne s’illusionne pas. Y compris sur lui-même, et il ne la ramène pas, il n’est pas meilleur qu’un autre même s’il lit Heidegger avant de s’endormir – et Heidegger l’endort très bien. Sa philosophie est de vivre dans l’instant. A cet égard, Richard Ford est son maître, qui fait du présent, et des accommodements raisonnables avec le sort ou avec le hasard, un instant à suivre, histoire de voir où cela nous mène. Sans attendre de grand soir, de révélation ultime, de phrase ronflante et définitive. Mais on ne sait jamais, une bonne surprise nous attend peut-être au fond du couloir.
Voilà un écrivain qui ne cherche pas à se montrer plus malin que ses personnages, et c’est ce qui séduit absolument, en plus d’une ironie constante, irrésistible, d’une écriture gouleyante, joyeusement bavarde, au style élégant sans étalage et avec un sens des images plus éloquent qu’un long discours. Jugez-en : « Paul et moi partageons deux gobelets en plastique trouvés dans la salle de bains, ma vodka se déposant sur ma langue, ma gorge et mes boyaux comme un cantique de Bach sur un homme au cœur brisé, ce qui appelle presque aussitôt un rab de deux doigts – les gobelets sont petits ».
« Le paradis des fous » de Richard Ford parait aux éditions de L’Olivier, demain 20 septembre, dans la traduction de Josée Kamoun.
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